Les bactéries lactiques spécifiques des fleurs, des fruits mûrs et des produits de la ruche

Il existe de nombreux processus de fermentations faisant appel à des micro-organismes vivants comme des bactéries (bactéries lactiques et bactéries acétiques), des levures, des moisissures nobles. Ces micro-organismes exigent des glucides simples comme source de croissance et d’énergie.
La lacto-fermentation ou fermentation lactique est une branche de la fermentation faisant intervenir UNIQUEMENT LES BACTERIES LACTIQUES (LAB).
Il est communément admis que les bactéries lactiques se nourrissent de glucose. Cependant des recherches plus poussées et plus pointues réalisées depuis 2009 ont permis d’identifier une catégorie unique de bactéries lactiques se nourrissant de fructose !
Il existe donc des bactéries lactiques glucophiles (LAB) qui se nourrissent de glucose et des bactéries lactiques fructophiles (FLAB) se nourrissant de fructose.
C’est une étude sur la nutrition des bactéries lactiques réalisée en 1956 par Kodama R. , un chercheur japonais, qui a permis pour la 1ère fois d’identifier une nouvelle espèce de bactérie lactique Fructobacillus fructosus . Cette espèce de bactérie lactique a été classée par la suite parmi les bactéries lactiques fructophiles (FLAB)
ça n’est qu’en 2009 que les bactéries lactiques fructophiles (FLAB)ont été décrites par 3 chercheurs de l’université de Stellenboshen en Afrique du sud (Akihito Endo, Yuka Futagawaet LeonM.T. Dicks).
Les FLAB sont des bactéries lactiques qui diffèrent des bactéries lactiques " conventionnelles " (LAB) de part quelques caractéristiques biochimiques uniques. En effet leur substrat optimal de croissance est le fructose. Dans un milieu riche en glucose et pauvre en fructose, leur croissance est fortement ralentie voire inhibée. Cette différence de capacité à métaboliser le glucose entre les bactéries lactiques glucophiles (LAB) et les bactéries lactiques fructophiles (FLAB) est due à leurs caractéristiques génétiques.
Les niches des FLAB sont des milieux riches en fructose.
Elles ont été isolées sur des fleurs

Les Bactéries lactiques fructophiles ont aussi été isolées sur des fruits mûrs

et également des produits de la ruche (miel cru, pollens d’abeilles, pain d’abeilles).

Des études ont révélé que des mouches de fruits tropicales et les fourmis Camponotus se nourrissant de fruits riches en fructose hébergent un grand nombre de FLAB dans leurs intestins . Quant aux abeilles mellifères qui butinent des fleurs riches en fructose, c’est dans leurs jabots que l’on a trouvé une bactérie lactique fructophile (FLAB).
Je suis la 1ère en France à avoir lacto-fermenté des fruits mûrs selon un processus de fermentation à température ambiante pour une durée autour de 6 semaines avant consommation et mes toutes 1ères expériences remontent à 2021. Comme il a toujours été dit que la fermentation de fruits conduirait à une fermentation alcoolique à cause de la teneur élevée en sucre, j’ai rajouté des pollens d’abeilles dans mes recettes afin d’apporter des bactéries lactiques assurant ainsi une lacto-fermentation. Eureka, cela a fonctionné ! J’ai obtenu des fruits lacto-fermentés bien savoureux. J’ai commencé à partager certaines de mes recettes sur un groupe de fermentation maison sur Facebook dès 2022.
A l’époque j’étais persuadée que les bactéries lactiques présentes dans les pollens d’abeilles étaient des LAB glucophiles, c’est à dire des bactéries lactiques se nourrissant de glucose. Puis j’ai pris connaissance de l’existence du tempoyak, un aliment fermenté traditionnel de la Malaisie issu de la lacto-fermentation en salage à sec du durian. Le durian est un fruit originaire de la Malaisie, de Thaïlande et de l’Indonésie. C’est un fruit bien sucré ! Alors je me suis demandée pourquoi dans d’autres pays du monde, notamment en Asie, il est possible de lacto-fermenter des fruits mûrs et qu’en occident ça ne marcherait pas ! Ce sont toujours des interrogations similaires qui m’incitent et me motivent à en savoir d’avantage et qui m’ont permis de vous partager de nombreux articles dans lesquels je dévoile de nombreuses informations fiables et des explications détaillées méconnues dans le monde de la fermentation maison et artisanale.
Alors Laly se lança dans une nouvelle investigation afin d’y voir plus clair ! L’ancienne chercheuse en synthèse de molécules organiques que je suis a pris le dessus et j’ai plongé dans de nombreux résultats d’études scientifiques. Après les avoir croisés les uns les autres, je découvre l’existence des FLAB !
Quelle ne fut ma joie ! Croiser mes propres expériences avec des résultats d’études très poussées et pointues me conforte dans l’idée de pouvoir améliorer d’avantage mes recettes. En effet parmi une multitude d’essais en utilisant différents fruits mûrs d’ici et d’ailleurs, j’ai malgré tout eu quelques échecs avec quelques fruits dont les résultats de lacto-fermentation selon mon propre protocole n’étaient pas probants. Mais qu’à cela ne tienne, maintenant que j’ai pris connaissance des métabolismes de base des FLAB, j’ai une grande marge d’amélioration !
Je j’ai toujours dit et je le redis encore : comprendre ce que l’on fait permet de mieux apprendre et par conséquent limiter les déboires mais aussi améliorer grandement les qualités nutritionnelles et gustatives des aliments fermentés faits maison et artisanaux !
On m’avait dit " Les fruits sont naturellement digestes alors pourquoi vouloir les lacto-fermenter ? " Ce à quoi j’ai répondu que la lacto-fermentation apporte également d’autres bienfaits outre la digestibilité. Les fruits frais ont un apport nutritionnel considérable, pouvoir les lacto-fermenter dans des conditions optimales permettrait de décupler leurs valeurs nutritionnelles !
Mais alors qu’en est-il de ces FLAB ? Comme dit plus haut, les FLAB se retrouvent naturellement dans des habitats riches en fructose : les fleurs, les fruits mûrs frais et les fruits mûrs fermentés, les produits de la ruche. Mais on en a aussi isolées et identifiées dans des moûts de shochu (alcool distillé japonais traditionnel fabriqué à partir de riz fermenté)
Les FLAB sont catégorisées en deux groupes : - Le genre Fructobacillus qui comprend à ce jour 11 espèces différentes
- Le genre Lactobacillus qui comprend à ce jour 2 espèces : Lactobacillus kunkeei et Lactobacillus apinorum
La taxonomie des bactéries lactiques sont réévaluées au fil des années et elles sont par la suite reclassées en fonction de leurs positions phylogénétiques, de leurs caractéristiques morphologiques et biochimiques. Leurs noms peuvent donc variées selon les périodes.
Tout comme les LAB glucophiles, les FLAB exigent la présence dans le milieu de sodium Na+ issu de la dissolution dans l’eau du sel Nacl afin que les molécules de fructose soient transportées par des enzymes spécifiques à l’intérieur de leur cellule.
Un exemple concret où le rôle du sel est primordial pour une lacto-fermentation est la production de la boisson fermentée kéfir de fruits à partir de grains de kéfir de fruits. Le protocole traditionnel consiste à utiliser des grains de kéfir de fruits actifs, de l’eau déchlorée, du sucre, des rondelles de citron et des figues séchées.
Les grains de kéfir de fruits, tout comme les grains de kéfir de lait sont constitués entre autres de différentes souches de bactéries lactiques. Là aussi pour que ces bactéries lactiques puissent se nourrir il est indispensable que les enzymes de transport chargées d’amener le glucose/fructose à l’intérieure de la cellule de la bactérie lactique disposent de sodium Na+ issu du sel Nacl.
Vous me diriez peut-être, mais Laly les recettes traditionnelles ne préconisent pas l’ajout de sel et pourtant ça marche ! Et justement pour le kéfir de fruit c’est la figue séchée qui va apporter le Na+ , tandis que pour le kéfir de lait c’est le lait lui-même qui va apporter le Na+ !
A titre d’information, pour 100g de figue séchée il y a 0,220g de sel Nacl (Donnée officielle de l’ANSES). Ce taux de sel n’est que 0,013g pour 100g de figue fraîche ! Ce qui explique aussi pourquoi l’utilisation de figue fraîche est déconseillée.
Le raisin sec ne contient que 0,013g de sel Nacl pour 100g de fruits. L’abricot séché contient moins de 0,013g de sel Nacl pour 100g de fruit.
La figue séchée est donc bien plus appropriée quant à l’apport de sel de Nacl pour la lacto-fermentation des grains de kéfir de fruits.
Vous le saviez certainement, Mère Thérésa avait produit du kéfir de fruit, qui fut appelé le kéfir des pauvres, en utilisant uniquement de l’eau et du sucre. Ceux parmi vous qui ont réalisé cette même recette ont constaté qu’au bout d’un certain temps les grains de kéfir de fruit sont devenus " inactifs " et finissent par mourir. La raison est toute simple, il manquait un élément indispensable : le Na+ du sel de Nacl et par conséquent les bactéries lactiques des grains de kéfir n’ont pas pu se nourrir !
Dans cet article ICI je vous explique le rôle du sel, plus précisément du sodium Na+, lors du transport du glucose du milieu vers l’intérieur de la cellule de la bactérie lactique. En effet les bactéries lactiques sont immobiles, elles ne peuvent donc pas se déplacer pour aller à la recherche du glucose ou du fructose dont elles ont besoin. Ce sont des enzymes spécifiques, appelés enzymes de transport, qui se chargent de véhiculer le glucose et/ou le fructose à l’intérieur de la cellule de la bactérie lactique . Pour cela, ces enzymes de transport spécifiques doivent traverser la membrane cellulaire de la bactérie lactique, et ce passage ne peut se faire qu’en co-transportant du glucose/fructose et du Na+.
Vous l’avez compris, pour que la lacto-fermentation de fruits mûrs, de jus naturels de fruits pressés et/ou de fleurs puissent avoir lieu, la présence de sel dans le milieu est aussi obligatoire !
Ainsi par exemple, les limonades naturelles obtenues par fermentation de fleurs (champagne des fées & Co) ne font intervenir que des levures : c'est une fermentation alcoolique . En effet puisque ces recettes n’utilisent pas d’ajout de sel mais uniquement du sucre, les bactéries lactiques du milieu ne pourront en aucun cas se multiplier. Idem pour les jus naturels fermentés (jus d’agrume fermenté par exemple) dont les recettes n’utilisent pas de sel ! En d’autres termes ces limonades naturelles et ces jus naturels fermentés de fruit pressés ne s’enrichissent pas en bactéries lactiques, elles ne contiennent que des levures !
D’ailleurs un critère qui traduit qu’une lacto-fermentation a eu lieu c’est l’acidité du produit fini grâce à la production d’acide lactique par les bactéries lactiques lors du processus de lacto-fermentation. Est ce que les boissons pétillantes fermentées à base de fleurs par exemple ont une saveur acidulée comme les légumes lacto-fermentés, ou comme le levain naturel de panification, ou comme les yaourts, ou comme le pain au levain ? NON ! Et pour cause il n’y a pas eu de processus de lacto-fermentation, uniquement une fermentation alcoolique faisant intervenir des levures !
Alors ne nous emmêlons pas les pinceaux ! Seule une lacto-fermentation (ou fermentation lactique) permet de multiplier les bactéries lactiques et ainsi enrichir le produit fermenté en bactéries lactiques. En aucun cas une fermentation alcoolique va enrichir un aliment fermenté en bactéries lactiques !
J’ouvre une petite parenthèse concernant les levures. Il existe également des levures glucophiles et des levures fructophiles. Saccharomyce cerevisae est une levure glucophile. Saccharomyce cerevisae est cultivée en laboratoire avant d’être commercialisée. C’est cette levure et uniquement cette levure qui est commercialisée, elle est utilisée pour la production de bières par exemple. C’est aussi Saccharomyce cerevisae qui compose la levure boulangère.
Dans la nature par contre il existe 1001 levures ! Il existe une multitudes de levures sur les fleurs, sur les fruits, sur les légumes, etc etc. Les espèces de levures Candida stellate et Zygosaccharomyces bailii par exemple qui se trouvent abondamment dans la nature sont des levures fructophiles !
Ce qui signifie que si vous utilisez des levures du commerce (Sacharomyce cerevisae) alors vous aurez dans le milieu uniquement des levures qui se nourrissent de glucose. Tandis que si vous faites une fermentation spontanée de fleurs par exemple pour la production d’une boisson pétillante fermentée alors le milieu contiendra aussi des levures fructophiles !
La nature est bien faite et de manière générale les bactéries, les levures et les moisissures se développent dans les habitats où ils trouvent abondamment leurs nourritures. Ainsi les fleurs, les fruits mûrs, les produits de la ruches sont riches en bactéries lactiques fructophiles (FLAB) ET en levures fructophiles. Des spores de moisissures sont inévitablement présentes également puisque celles-ci sont transportées par le vent par exemple et se dépose un peu partout.
Si on veut favoriser un type de fermentation plutôt qu’un autre, il est indispensable de suivre un protocole adéquat. Ainsi si on veut faire une lacto-fermentation, il va falloir faire en sorte que le procédé utilisé apporte les conditions optimales pour la croissance et développement des bactéries lactiques au détriment des levures et vis versa si on veut faire une fermentation alcoolique !
Concrètement que se passe t-il au cours de nos fermentations maison ou artisanales ?
Je vais parler d’un exemple concret afin de bien discerner les choses : production de boisson pétillante fermentée de fleurs (à base de fleurs de sureau, de fleurs de glycine, de fleurs de pissenlit, fleurs de lilas, etc etc)

Comme dit plus haut les fleurs étant riches en fructose, elles sont des niches naturelles de bactéries lactiques fructophiles ET de levures fructophiles. De manière générale les recettes en France de boisson pétillante fermentée appelé aussi champagne des fées, limonade naturelle ou soda naturel préconisent l’utilisation de sucre ajouté, de rondelle de citron et d’eau. Ce sucre ajouté, appelé aussi sucre de table, est en fait du saccharose. Le saccharose est un disaccharide. Une molécule de saccharose est composée d’une molécule de glucose et d’une molécule de fructose.
Au cours du processus de fermentation, des enzymes spécifiques vont décomposer le saccharose pour donner des molécules de glucose libres et des molécules de fructose libres. Ce sont ces molécules de glucoses libres et fructoses libres qui vont par la suite être utilisées aussi bien par les levures que les bactéries lactiques présentes dans le milieu (le bocal de fermentation).
Je rappelle que les bactéries lactiques sont immobiles tandis que les levures peuvent se déplacer dans leur milieu. Les levures vont donc se déplacer dans le bocal de fermentation afin de trouver soit le glucose soit le fructose dont elles ont besoin. Tandis que les bactéries lactiques doivent attendre que les enzymes viennent leur apporter la nourriture dont elles ont besoin.
Déjà à ce stade, les levures ont une longueur d’avance sur les bactéries lactiques qui sont immobiles. Les levures sont donc les 1ères à consommer soit le glucose soit le fructose dans le bocal de fermentation. Les bactéries lactiques présentes quant à elles ne pourront pas se nourrir correctement puisque le milieu est exemple de sel (plus précisément de sodium Na+ issu de la dissolution du sel Nacl dans l’eau). Or je le rappelle que pour que les enzymes de transport puissent amener le glucose/fructose à l’intérieur de la cellule des bactéries lactiques, il faut des ions Na+ disponibles dans le milieu ! Ces enzymes de transport, faute de sel de sodium dans le milieu, ne pourront pas faire leur job et par conséquent les bactéries lactiques ne pourront pas se nourrir et encore moins se multiplier ! Au mieux elles resteront en dormance et au pire elles vont rentrer dans un état de stress intense pour faute de nourriture et vont produire des exopolysaccharides (EPS). Les EPS produits par les bactéries lactiques en état de stress vont former un gel gluant : c’est ce gel gluant qui se forme parfois au cours du processus de certaines productions de boissons pétillantes fermentées et que de nombreux fermenteurs assimilent à une mère de vinaigre (mais ça n’en est pas une du tout puisque la composition d’un EPS diffère de celle d’une mère de vinaigre !).
Ce cas précis de fermentation de fleurs conduisant à la formation d’un gel gluant est le signe de la présence dans le bocal de fermentation de nombreuses bactéries lactiques fructophiles (FLAB) qui n’ont pas pu se nourrir et qui sont rentrées dans un état de stress.
Pour info, une culture à grande échelle en laboratoire de la bactérie Leuconostoc citreum qui est une FLAB isolée pour la 1ère fois sur l’écorce de la mandarine satsuma permet de produire une quantité industrielle d’EPS qui est utilisé dans de nombreux domaines de l’industrie agro-chimique. . Pour ce faire, cette FLAB est cultivée dans un milieu riche en glucose. Se trouvant privée de sa nourriture préférentielle, le fructose, cette bactérie lactique entre en état de stress et produit de l’EPS.
Il est évident qu’à notre niveau il nous est impossible ni d’identifier ni de quantifier les éventuelles levures et bactéries lactiques présentes sur les ingrédients que nous utilisons dans nos fermentations. Mais maintenant que nous connaissons l’existence de bactéries lactiques spécifiques, des bactéries lactiques fructophiles FLAB, sur les fleurs, les fruits mûrs et les produits de la ruche il n’appartient qu’à nous d’adapter le protocole adéquat correspondant au type de fermentation souhaitée !
J’avais précisé plus haut que les bactéries lactiques fructophiles (FLAB) se distinguent des bactéries lactiques glucophiles de part quelques caractéristiques biochimiques uniques. Les FLAB préfèrent le fructose au glucose comme substrat de croissance. Si les FLAB se trouvent dans un milieu plutôt pauvre en fructose mais riche en glucose alors pour pouvoir métaboliser le glucose les FLAB auront besoin d’avoir des accepteurs d’électrons externes comme du pyruvate, du fructose ou de l’oxygène . Ainsi dans un milieu pauvre en fructose mais riche en glucose, les fermentations maison et artisanales doivent avoir lieu dans des conditions aérobiques afin de pouvoir apporter de l’oxygène permettant aux FLAB de métaboliser le glucose. L’apport externe de pyruvate ou de fructose n’est envisageable qu’en milieu industriel.
Je rappelle que la lacto-fermetation est une série de réactions d’oxydo-réduction qui se succèdent entre elles et durant lesquelles il y a échanges d’électrons entre des donneurs et des accepteurs. Je rappelle également que les bactéries lactiques conventionnelles (LAB) se développent aussi bien en milieu aérobique qu’anaérobique. J’explique dans cet article ICI que l’affirmation comme quoi la lacto-fermentation de légumes doit se faire en milieu anaérobique est une légende urbaine due à une confusion entre les définitions biologiques d’une respiration aérobique/anaérobique et de la définition d’un milieu aérobique/anaérobique.
Puisque les bactéries lactiques glucophiles (LAB) peuvent se multiplier aussi bien en absence qu’en présence d’oxygène ; alors que les bactéries lactiques fructophiles (FLAB) ne se développent qu’en présence d’oxygène si le milieu est pauvre en fructose, il serait judicieux de choisir des conditions opératoires permettant aussi bien aux unes qu’aux autres de pouvoir se multiplier.
Ainsi si on souhaite produire une boisson pétillante fermentée à base de fleurs riche en bactéries lactiques, pour revenir à ce cas concret cité plus haut, alors non seulement il faudrait rajouter du sel dans le milieu mais en plus il faudrait opérer en condition aérobique. Sinon on aura plutôt une fermentation alcoolique et le produit fini sera enrichi uniquement en levures. Il en est de même pour les boissons pétillantes fermentées à base de fruit !
Ayant pris connaissance de l’existence de bactéries lactiques fructophiles (FLAB) ainsi que leur métabolisme depuis plus d’1 an, j’ai déjà expérimenté une lacto-fermentation de jus d’oranges pressées ainsi que d’autres jus naturels de fruits pressés. Après plusieurs essais, au début du mois de décembre 2024 j’ai décidé de partager ma recette de pétillant d’oranges lacto-fermentées exclusivement aux membres de ma communauté Laly's community. Ma recette préconise l’utilisation de pollens d’abeilles et de sel bien sûr. Si vous aussi vous souhaitiez lacto-fermenter du jus d’oranges pressées afin d’obtenir un pétillant d’orange ultra riche en bactéries lactiques, je vous invite à rejoindre ma communauté. Ma recette détaillée accompagnée de nombreuses explications quant au choix des ingrédients est mise à disposition gratuitement à tous les membres de ma communauté.

Je vous dresse une liste non exhaustive de FLAB isolées et identifiées. Les articles résumant les études réalisées sur le sujet sont donnés dans les références.
1/ Bactéries lactiques fructophiles (FLAB) isolées de fruits mûrs
-Leuconostoc ficulneum a été isolée d'une figue mûre en 2002
-Leuconostoc pseudoficulneum a été isolée d'une figue mûre au Portugal en2006
-Leuconostoc durionis a été isolée d'un condiment malaisien fermenté, le tempoyak qui est obtenu par lacto-fermentation ensalage à sec du durian (originaire de la Malaisie, de la Thaïlande et de l’indonésie) en 2005 . Le durian est un fruit ayant une saveur sucrée et une texture crémeuse.
-Leuconostoc citreum a été isolée en 2019 sur une écorce de mandarine satsuma
2/ Bactéries lactiques fructohiles (FLAB) isolées de fleurs
-Fructobacillus tropaeoli a été isolée pour la 1ère fois en 2009 sur une fleur de Tropaelum majus (capucine) en Afrique du sud
-Lactobacillus homohiochii, Lactobacillus lindneri et Lactobacillus sanfranciscensis ont été isolées sur une fleur de Paeonia suffruticosa (pivoine)et sur une fleur de Chrysanthemoides monilifera (fauxchrysanthème) en Afrique du Sud, entre septembre et octobre 2008.
-Lactobacillus kunkeei a été isolée de fleur de cosmos, d’azalée et de narcisse en Afrique du Sud en 2009, de fleur d’Ipomea purpurea et de fleur de myrte de crêpe (lilas d’été) au Japon en2012.
3/ Bactéries lactiques fructophiles (FLAB) isolées de produits de la ruche
- Lactobacillus kunkeei se trouve abondamment dans le jabot des abeilles butineurs, présente dans les pollens d'abeilles,dans lemiel cru et dans le pain d’abeilles. A la date d’aujourd’hui, c’est la seule et unique bactérie lactique abondamment présente dans les produits de la ruche. Elle a aussi été isolée dans du jus de raisin fermenté et dans du vin.
En 2023 un article sur les résultats d’études de scientifiques suédois (OlofssonTC, Vásquez A) publié en 2008 a été propulsé par les médias, repris par de nombreux journalistes & Co et a fait le buzz sur le net. Cet article révélait la découverte par ces scientifiques suédois de 13 bactéries lactiques dans le jabot d’abeilles mellifères (Apis mellifera). Ces résultats d’études ont été fortement contestés par de nombreux chercheurs. En effet ultérieurement (depuis2012), de nombreux autres études plus pointues ont révélé que seule une bactérie lactique était abondante dans le jabot : Lactobacillus kunkeei qui est une FLAB ! Les 12 autres bactéries lactiques citées par les suédois ont été dénombrées à des fréquences très faibles aussi bien dans le jabot que dans le reste du tube digestif.
Les abeilles ont 2 estomacs : le 1ersert à la digestion tandis que le second appelé jabot sert à emmagasiner le nectar récolté des fleurs afin de le ramener à la ruche. Le contenu du jabot est régurgité par les abeilles lors du processus de production des produits de la ruche. Cela explique pourquoi les produits de la ruche sont riches en Lactobacillus kunkeei qui est une FLAB contenue dans le nectar. Les bactéries lactiques contenues dans les autres parties du tube digestif de l’abeille n’interviennent pas dans la production de miel, de pollens d’abeilles, de pain d’abeilles.
Olofsson et Vasquez affirment en conclusion de cet article publié en 2008, je les cite : " Aucun autre aliment au monde (sous entendu autre que le miel) ne contient une aussi grande variété de ces bactéries, soit 13 au total " . Manifestement ils ignorent totalement l’existence du kéfir de lait qui est pourtant l’aliment fermenté reconnu être le plus riche en bactéries lactiques avec plus de 25 souches différentes !
Dans tous les métiers il y a ceux qui excellent, d’autres sont bons ou moyennement bons tandis que certains sont médiocres. Mais il y a aussi des vendeurs de rêves ! Alors soyez vigilants quand vous lisez des articles ici et là … Ne prenez jamais pour argent comptant tout ce que vous lisez ni tout ce que vous entendez !
Je vous laisse dans les références un des articles confirmant l’abondance uniquement de Lactobacillus kunkeei dans le jabot et qui a été publié en 2014. Les références de quelques autres études confirmant cela sont citées dans ce même article.
CONCLUSION
L’existence de bactéries lactiques fructophiles (FLAB), c’est à dire se nourrissant de fructose, a été révélée depuis 2009. Leurs niches sont des milieux naturellement riches en fructose : fleurs, fruits mûrs, fruits mûrs fermentés, miel cru, pollens d’abeilles frais ou séchés à 40°C maximum, pain d’abeilles. La lacto-fermentation (ou fermentation lactique) de ces derniers exigent un protocole bien défini garantissant la multiplication de ces bactéries lactiques fructophiles : l’ajout de sel comme pour la lacto-fermentation des légumes, sinon seule une fermentation alcoolique pourra avoir lieu. En effet les enzymes de transport chargés d’amener le glucose/fructose à l’intérieure de la cellule d’une bactérie lactique a besoin de sodium Na+ issu de la dissolution dans l’eau du sel Nacl pour pouvoir traverser la membrane cellulaire de la bactérie lactique.
Tout protocole de fermentation de fleurs, de fruits mûrs et de jus de fruits pressés n’utilisant pas de sel dans la recette conduit uniquement à une fermentation alcoolique qui va faire intervenir des levures. Le produit fini ainsi obtenu ne pourra en aucun cas être riche en quelques bactéries lactiques que ce soient puisque celles-ci n’ayant pas pu se nourrir ne peuvent se multiplier.
REFERENCES
1/ Toute 1ère étude sur les bactéries lactiques fructophiles publiée en2009 https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0723202013000945?via%3Dihub
2/ Etude sur des FLAB isolée de fleurs : https://www.microbiologyresearch.org/content/journal/ijsem/10.1099/ijs.0.019067-0/
3/ Isolation d’une FLAB sur une figue mûre : https://www.microbiologyresearch.org/content/journal/ijsem/10.1099/00207713-52-2-647
4/ Etude phylogénétique du genre Leuconostoc ayant permis de le diviser en 3 groupes dont le groupe Leuconoctoc fructosum comprenant L. durionis isolé à partir du tempoyak (condiment issu de la lacto-fermentation d’un fruit mûr, le durian). Cette même étude a montré la croissance plus importante de L.durionis sur du fructose ET en présence de sel à hauteur de 8 % : https://www.microbiologyresearch.org/content/journal/ijsem/10.1099/ijs.0.65609-0
5/ Etude ayant permis de prouver que seule une FLAB a été trouvée en abondance dans le jabot d’une abeille butineuse. C’est cette étude très pointue (et il y en a d’autres) qui a prouvé qu’il n’y a pas 13 souches de bactéries lactiques dans le jabot des abeilles : https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0095056
Explorer les autres rubriques du blog
%20redim%20(1)%20et%20comp.webp)
Les fermentations expliquées par la science
%20redim%20(1)%20et%20comp.png)
Recettes de fermentations d'ici et d'ailleurs
%20redim%20(1)%20et%20comp.webp)